vendredi 27 juillet 2012

Anna Wintour chinoise


J’ai rencontré Anna Wintour chinoise.

Je reçois un mail me disant que je dois prendre rdv avec « W.Pong » pour un client très important.  Qui est W. Pong ? Que fait cet être dans la boîte ? Dans la vie ? Et au delà de tout ça: est-ce un homme ou une femme ?
Pas le temps pour m’informer de tout ça, j’exécute, je lui envoie sur le champ un mail. On me prie de contacter Emily, sa secrétaire (je pense que cette dernière doit être une femme, même si je ne l’ai pas vue..).
On convient d’un RDV dans le parking de la boîte avec W.Pong, que je découvre femme puisque dans le mail à son sujet on dit « she ». On (ma collègue May et moi) ira avec W.Pong & Ming, le chauffeur (alors que pour moi Ming c’est un empereur…) rejoindre les responsables de ce grand client qui nous donneront des directives.
J’arrive détendue, sous une pluie dense d’été qui n’arrête pas de tomber depuis quelques jours et qui nous rend la peau luisante au bout de 5 minutes dans la rue. J’ai mis ma tenue « star » qui a la vertu, à mon avis, d’être belle et élégante, sans qu’il n’y ait pour autant aucun signe tendancieux ou provocateur : ma robe vintage YSL que Liubia m’a donné et mes chaussures Roger Vivier : la perle de ma garde robe, (après avoir comme même hésité à cause de la pluie…)
J’arrive dans le fameux parking. Ming est un petit chinois adorable et serviable. Il se presse de me débarrasser de mon parapluie et de mes affaires encombrantes. On attend, May, Ming & moi, la fameuse W.Pong.
Après l’attente, arrive une chinoise, cinquantenaire (compliqué à gérer comme âge, je le sais…. Je me dit tout de suite que je n’ai pas de chance…) des plus sophistiquées que j’ai vu jusqu’à présent : mince et élancée (elle fait 2 cm de plus que moi sur ses plateformes de 10 cm mais elle fait comme même élancée), une coupe au carré, son sac Bottega Venetta (qu’elle n’aime pas parce qu’il est lourd.. c’est une amie qui le lui a offert parce qu’elle était trop petite pour le porter…), un pantalon noir ajusté (en effet elle est mince et bien foutue pour son âge), un haut de coton manches longues violet clair et blanc (que j’apprends plus tard que c’est d’un jeune designer japonais… je trouve le mix avec le pantalon noir un peu étrange mais pourquoi pas…), des ongles de couleur turquoise (aie aie une soit disant élégante de ce monde ne devrait pas commettre ce faux pas… mais bon tu restes comme même classe, je te rassure). C’est la fameuse W.Pong. Cette seconde d’échange de regards entre nous m’a fait froid dans le dos. Dans son regard : la toute puissance de la killeuse qui n’est pas ici pour faire des amis. On se serre la main en nous présentant mutuellement et on file dans le van où elle me dit de m’asseoir à côté d’elle et je suis soumise à l’interrogatoire le plus long de ma vie : qu’est ce que j’ai fait avant d’arriver ici , d’où je viens, quelles langues je parle, comment mon boss m’a recruté (si elle savait…), quand est ce que j’ai commencé à travailler, quand est ce que je suis arrivée à HK, où est ce que j’habite, comment est mon immeuble, ascenseur ou pas (l’époque des 7 étages à pied c’est fini W Pong, et c’est bien la seule chose que je ne regrette pas … jejjeje), que fait mon ami dans la vie, a t-il déjà travaillé avant, de quelle nationalité il est, etc, etc. Mais cet entretien n’a pas été à sens unique : je lui ai demandé si elle était mariée (oui, elle l’est), si elle a des enfants (oui, deux enfants, déjà adultes… je m’en doutais de cette dernière précision W Pong…), qu’est ce qu’ils font dans la vie (des trucs dans la finance que je n’ai pas retenu), depuis combien d’années elle est dans la boîte (17 ans, c’est sa maison… son bureau est décoré comme sa maison, elle a même un dressing où elle change de tenue s’il le faut, un canapé où elle se repose quand elle ne va pas bien… bRef, j’espère voir cette perle d’endroit très vite….). W. Pong voulait me faire peur, or ma nature est bavarde et je voyait dans ses yeux la surprise que je puisse, en apparence, être autant à l’aise face à elle… Ma collègue m’a dit par la suite que personne n’ose lui poser des questions… Désolée W.Pong les latines sont un peu commères et puis c’est aussi de la politesse de s’intéresser aux autres, non ?
Quelques remarques de la dite W.Pong ont laissé entrevoir le fossé culturel qui nous sépare. Elle me dit « I love your shoes, it’s one of my favourite brands for shoes. A friend of mine (that also works in the company) has 50 pairs of it. She loves it. But I only have like 5 or 6 pairs. I don’t like to have all from the same brand, you know… »

Analyse :
-       c’est bien W. Pong tu fais preuve de sophistication en appréciant Roger Vivier plutôt que Vuitton.
-       En effet ton amie des 50 paires de Roger Vivier est une tarée fétichiste
-       La remarque de trop de la prétentieuse nouvelle riche : « I ONLY have 5-6 pairs » : W. Pong tu parles à quelqu’un qui s’est achetée les siennes en vente privée, à moitié prix, pour son anniversaire…
-       tu n’aimes pas avoir tout de la même marque : bon principe. Mais néanmoins, j’irai même plus loin : tu n’as pas besoin de porter des marques pour être élégante. Tu sais W Pong en Europe, il existe des gens qui n’ont pas besoin de s’affirmer à travers le fric qu’ils portent sur eux. C’est même mal vu. Il faut travailler davantage sur ce point…

Par ailleurs, notre rencontre avait un but. W.Pong nous a apporté des modèles de sacs bandoulière, petit format (pour Ipad) pour homme parce qu’elle veut qu’on fasse : « the perfect bag for man ». Elle nous montre donc des sacs bandoulière, taille Ipad pour homme qu’elle avait récupéré. Au sujet d’un des sacs qu’elle trouvait de qualité cheap elle affirme : « My husband would never use something like this ! ». Mais est-ce qu’un homme, quel qu’il soit, peux porter un petit sac en bandoulière hyper moche et plouc pour mettre son Ipad, ses clefs, son portefeuille et son téléphone ? Au sujet d’un autre des sacs elle dit : « oh this one is really ugly, it is very Chinese… » : mais W.Pong qu’es-tu d’autre sinon une chinoise ?... Il faut préciser que W. Pong manifeste un mépris constant et récurrent dans ses propos à l’égard des chinois, ceux du main-land China. Elle c’est une hong-kongaise. Je comprends la nuance mais ce mépris me semble un peu exagéré. Je crois que si je voulais être virée sur le champs je devrais juste lui dire « but aren’t you Chinese ?.. » W.Pong tu es une chinoise, qui pue le fric et le pouvoir, qui essaie de te polir aux goûts européens mais tu continues de mettre du turquoise délavé et brillant sur les ongles et ton mari porte des sacs bandoulières pour Ipad aussi sophistiqués soient-ils. En plus de ça, tu as une tête qui ressemble à un pain poilâne de ceux qu’on vend chez Kayser, pas celui en tranches, celui entier, celui que si on le jette sur quelqu’un il peut tuer tellement il est massif et dense.
C’est donc ce gros pain Poilane prétentieux  et méprisant qui est ma big boss, respectée, crainte par tous.
Je suis dans son territoire, chez elle, c’est elle et ses lois qui commandent et c’est ce qu’elle veut que je devrai exécuter. Dans tous ces propos, je sens le test qu’elle lance, le moindre faux pas sera fatal : je serai virée de suite.
« The perfect bag for man » que nous devons faire est pour une marque tout aussi prétentieuse que tout ce que je viens de décrire. C’est une marque qu’ils nous ont présenté comme « British », alors qu’il y a 1 boutique à Londres, 50 en main-land China, 20 à HK, 20 en Taiwan. Mais c’est une marque British. Aussi faut-il remarquer que l’image de la marque est très WASP, très Tommy Hilfiger, pseudo Ralph Lauren. W Pong pour quelqu’un qui fait la nuance entre toi et une chinoise, il faudrait peut-être en faire aussi entre les British et les WASP. Ce n’est pas du tout la même chose…
Il faut donc proposer 10 modèles dans 3 jours, du « pefect bag for men » pour une marque British, qui n’est vendue qu’en Asie, avec une image de marque très WASP. C’est intéressant comme défi. Mot d’ordre : « it has to seem expensive, it has to seem good quality ». « Seem » ici tout est une question de « seem ».
Je ne devrai peut-être pas en dormir la nuit, mais en fait je m’en fout tellement de W Pong, de son sac plouc, de sa marque ridicule… Qu’est ce que je fais dans une grosse boîte à nouveau?  Ces grosses boîtes qui rachètent nos belles marques européennes et qui finiront par les détruire à force de vouloir les rentabiliser comme des marques fast-fashion...
Mais j’éxécute ce qu’on me demande avec un sourire : « W.Pong tes ordres seront mes désirs... ».

4 commentaires:

  1. Salut Comtesse,
    J'espère que tu as pris soin de changer les noms. J'entends déjà les Triades Chinoises aiguiser leurs sabres... ou pour une version plus actuelle leurs kalachnikov made in URSS!
    courage, la bave du crapaud...
    Hélène F

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  2. Hey ma Cavalière Ottomane! Mais quel honneur de vous lire! jejjejejje
    Oui... prudence comme tu dis... tout est changé... ;-)
    jajjajja l'artillerie est sur le front... redoutables ces gens là... je te ferai savoir des détails dès qu'il y en aura!
    Et toi? Paris? Tu profites de l'eté???
    Besooooo

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  3. Vossa Graça lança farpas com uma altivez byrónica e uma agilidade queirosiana.

    Uma vénia,
    Rodrigo

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  4. Nao chego a tanto meu caro... mas honora-me tal comparaçao... sao os estos do meu amor dix-neuvièmiste que me corre nas veias... ;-)

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